Généralités

Les mots notés d’un astérisque* sont définis ailleurs dans le texte.
Les noms soulignés sont des traductions littérales des appellations wolfens.
Pour comprendre l’histoire d’Ylliox, il faut savoir comment fonctionne un clan wolfen et quelle est l’histoire de ce peuple. Les textes qui suivent donnent quelques détails sur les wolfens tels qu’ils étaient autrefois.

Pour les êtres humains, l'apparition de la magie et concomitante avec l'apparition de nombreuses espèces. Ils ont donc tendance à considérer ces espèces comme purement magiques n'ayant pas d'existences antérieures. La vision des choses de ces espèces est légèrement différente. Elles ont la vision de plusieurs mondes existant de manière indépendante et ayant fusionné (sans qu'elles sachent pourquoi) pour former le monde actuel. Cette vision est présente chez la majorité des espèces sous le nom de Fusion des Mondes. L'histoire d'Ylliox se passe bien avant la Fusion.

Voici la première légende wolfen (Racontée par Ylliox) :

Haute-perchée dans le ciel, la Lune veillait sur les créatures terrestres de son œil unique et bienveillant. Le jour, la Lune pouvait voir le bonheur de ses protégés mais la nuit, quand venait le temps ombres longues, la Lune voyait le malheur s’abattre sur la terre et les démons se répandre sur le monde sans quiconque pour les arrêter. Malgré ses demandes répétées, la Terre refusait de faire naître des créatures capables de protéger les créatures naturelles des engeances démoniaques. La Lune était patiente, et chaque nuit venue, elle réitérait sa demande mais jamais ses vœux ne furent exaucés. Quand le temps des prières se fut lentement consumé, la Lune s’énerva et délaissa son voile pâle pour un linceul de mort et de sang. De sa face écarlate, des milliers de gouttes tombèrent sur la terre. Au petit matin venu, ses perles de rosée s’éveillèrent à la vie. Ainsi naquirent les premiers d’entre nous. Nus et sans armes, nous dûmes apprendre à vivre en harmonie avec la nature, nous qui n’étions pas de ce monde. Et quand les turbulences du destin amenaient deux d’entre nous à se croiser, nos rires s'emmélaient dans une explosion de joie et nous nous en allions, ensemble, arpenter le monde. Sans qu’aucun d’entre nous ne le sache, nous marchions tous dans une même destination, une colline entourée de lacs de forêts et sur laquelle un vieux loup priait. Tour à tour, nous arrivâmes et nous sûmes, en un regard, que nous étions arrivés en ce lieu que nous n’avions jamais cherché. Quand nous fûmes tous là, le vieux loup se mis à chanter. D’abord seule, sa mélopée s'éleva bientôt à l'unisson de milliers gorges. En ces temps reculés, un vent parcouru le monde, comme un murmure chuchoté à chaque oreille « je suis le changement… ». Ainsi, notre langue est née.
Le vieux loup se tourna vers nous, son peuple. Sa fourrure blanche reflétait les rayons sanguins de la Lune. « Je suis Ylliox, notre mère nous a chargés, moi et mes fils, de guider notre peuple et voici sa première demande. En ces lieux, nous construirons la seule ville de la nation wolfen, elle devra être assez grande pour accueillir notre peuple dans toute sa splendeur. Elle devra être faîte de rocs et de roches afin de ne craindre, ni les assauts du temps, ni ceux de nos ennemis. Et enfin, elle devra accueillir un temple digne de notre mère, où chacun de nous sera libre de la prier. Allons, mes frères et sœur, ne perdons pas de temps ». Le Chant des Frères (nom de la ville) et la Pierre sous la Lune (nom du temple), étaient nés.
Il fallut près de cinquante ans pour construire la ville. Elle fut terminée une semaine avant la première pleine lune suivant l’équinoxe d’automne. Il s’en suivit une fête de 7 jours telle que notre nation n’en connut plus d’autre depuis. Au matin du 8ième jour, la lune se leva, blanche comme le givre. C’était la première fois que nous la voyions ainsi, plus personne n’osa parler. Puis Ylliox, dont la fourrure était d’un éclat d’albâtre prit la parole. « Qu’on m’amène tous les enfants nés cette nuit » et huit nouveau-nés furent posés sur l’autel devant lui. « Je garde ces huit enfants et leurs mères avec moi. Vous, enfants sélènes, vous allez quitter notre bien-aimée cité. Vous formerez dix clans et partirez tous dans des directions différentes. Nous nous retrouverons ici dans un an. D’ici là, préparez-vous à recevoir le plus grand cadeau qu’un clan puisse recevoir. Et tous partirent.
Quand près d’un an se fut écoulé, 8 clans revinrent, nul ne sait ce qu’il advint des 2 autres. Les nouveau-nés avaient grandi au-delà de ce que n’aurait voulu la nature, et 8 grandes louves se tenaient aux côtés d’Ylliox. Ce fut la première réunion de la Grande Lune* et le début de la nation wolfen comme elle exista pendant des centaines d’années, guidée par les cycles infinis de sa bienveillante déesse.

Un clan tourne autour de deux personnages principaux :
- Le chef de meute : C’est le plus puissant des guerriers du clan. Il peut s’imposer par la force ou être coopté par les autres guerriers pour ses qualités. Il dirige les troupes pendant le combat et conseille la prêtresse sur les sujets militaires. Il est à noter que seuls les mâles sont engagés dans les actions offensives (on parle alors de meute), les femelles sont chargées de la défense du clan.
- La prêtresse : C’est la personne la plus importante du clan, chaque membre, chef compris, donnerait sa vie sans hésiter pour elle. Les prêtresses sont choisies lors des Réunions de la Grande Lune*. Il y a au maximum une prêtresse et une apprentie par clan. La prêtresse gère la magie du clan, d’une part elle lit les auspices lunaires et d’autre part, elle prépare les bandelettes du Styx*. Les prêtresses sont considérées comme des incarnations de la Lune, elles doivent restées inaccessibles comme elle. Il leur est donc farouchement interdit d’entretenir des relations intimes. Si une prêtresse devait faillir à cette règle, elle amènerait la mort sur l’ensemble de la nation wolfen.
Les wolfens sont particulièrement superstitieux et vouent un culte infaillible à la lune qu’ils considèrent comme leur propre mère (cf. ci-après). Les wolfens ont deux ennemis endémiques, les démons et les slann (hommes-lézards). La guerre avec les slann est une guerre entre deux prédateurs qui se partagent le même territoire. La guerre contre les démons est pour eux, une mission divine. Les wolfens peuvent vivre jusqu'à 120 ans bien que la grande majorité meurt vers l'âge de 60 ans, quand les premiers signes de l'âge se font sentir, les wolfens chargent le nid de démons le plus proche. Ceux qui survivent reviennent au Chant des Frères* pour devenir des anciens. Ceux sont généralement des prêtresse ou des chefs de meutes. Ils sont reconnaissables à leurs regards et aux nombreuses cicatrices qui couvrent leurs corps.

Réunion de la Grande Lune : Chaque année, quelques jours avant la première pleine lune après l'équinoxe d'automne, tous les clans se réunissent pour une semaine de festivité au Chant des Frères. Les étrangers sont expulsés pour la durée de la cérémonie. Pendant cette réunion, les combats sont interdits en dehors de la Grande Arène. Les 7 premiers jours, les chefs de meutes veillent à limiter les débordements pendant que les prêtresses et les anciens s'enferment dans la Pierre sous la Lune. Progressivement, la magie emplit l'air ambiant jusqu'à le saturer. A la fin du 7ième jour, les chefs de meutes rejoignent les prêtresses et les anciens. Une fois les portes refermées, il est strictement interdit de les rouvrir, c'est la nuit de la pleine lune et la ville est livrée aux fureurs intérieures du peuple wolfen. Nul ne sait exactement ce qui s'y passe, les wolfens se réveillent avec de nombreuses courbatures. Certains sont blessés, d'autres sont morts. De l'extérieur, on entend que des hurlement s et des fracas. Il s'échappe de la ville une odeur de sang. Au petit matin du huitième jour, les chefs de meutes, les prêtresse et les anciens sortent de la Pierre sous la Lune, Les morts sont incinérés en l'honneur de la grande Déesse et sont les seuls avec les anciens à être considérés comme appartenant à tous les clans. Les enfants nés pendant cette nuit-là sont systématiquement des filles et sont destinées à devenir des prêtresses. Elles sont placées avec les prêtresses les plus âgées. Si trop de filles naissent (i.e. Si il y a plus d'apprenties que de prêtresses), c'est que la grande Déesse veut voir le nombre de clans grandir.

Les bandelettes du Styx : Ce sont des bandes de tissu magique qui décorent les armes et armures wolfens. Quand un ennemi est tué par une arme décorée d’une bandelette, son âme est aspirée et son nom apparaît sur la bandelette. Les bandelettes sont ensuite transférées sur les armures ou directement sur le corps des wolfens où elles préviendront des blessures et seront consumées. Plus le guerrier vaincu était puissant, plus grande la gravité de la blessure prévenue pourra être (sic Me Yoda). La traduction littérale du terme wolfen serait bandelette du serment inviolable, ce qui se rapproche, dans notre mythologie, du fleuve des serments inviolables, i.e. le Styx d'où le nom donné à ces bandelettes par les humains.

"Il y a des choses dont j'aimerais que le souvenir s'efface sous le souffle du temps. Quand la honte vient du sang du premier cri, il n'y d'autre choix que de porter son fardeau."

"La famille de mon père comptait huit mâles féroces, forts et rapides. Elle fit la fierté et la renommée de notre clan et partout le nom de Croque-Lune (c'est le nom du clan) était célèbre dans tout le territoire des Lunes. Le clan était guidé par Ylliox le Sage, mon grand-père. A cette époque, tous les clans wolfens étaient forts et respectés, les autres peuples avaient appris à craindre notre courroux et évitaient de le déchaîner. Nos guerriers partaient répondre aux appels de nos alliés, et en ces temps, nos griffes et nos crocs labouraient les rangs démoniaques comme les chaires tendres d'une biche. Aucun de nos frères n'avait à craindre la faim. En tout lieu, on nous accueillait car, bien plus que notre force, c'était notre justice qui voguait de bouches en oreilles. Lors des conflits majeurs, c'était la fratrie de mon père qu'on appelait en renfort, les 8 Blancs. Ce surnom est dû à leurs fourrures argentées, symbole d'une puissance hors norme et de leurs filiations avec Ylliox le premier. Souvent par la parole, parfois par les crocs, ils résolvaient les problèmes de la grande nation wolfen."

"Une année, toutes les prêtresses les prêtresses avaient des apprenties et aucune d'elles n'étaient en âge de quitter son poste. Les anciens déclarèrent qu'il s'agissait d'un signe de la grande Déesse et que la fratrie de mon père devait se diviser pour former 8 nouveaux clans. Leur réputation n'était plus à faire, un grand nombre de guerriers et de prêtresses se portèrent volontaires pour former les nouveaux clans. Parmi elles, se trouvait la prêtresse de Croque-Lune, le clan de mon grand-père, qui s'était liée d'amitié avec mon père. Selvendyle, une jeune prêtresse avec des pouvoirs considérables, fut choisies pour la remplacer. En quelques années, les neuf clans des descendants d'Ylliox le Premier furent bientôt les plus puissants du territoire des Lunes. Ce furent les années les plus fastueuses de mon peuple et partout on chanter nos louanges."

"Mais il n'est pas d'empire qui ne s'écroule… Des milliers de récits contant nos victoires resplendissantes sur les démons et les Slanns, beaucoup se sont perdus dans les temps qui suivirent et dont je suis l’incarnation. C’est aussi à cette époque que nombre d’entre nous retournèrent à l’état sauvage, bien plus sauvage qu’aux premiers jours. Les autres oublièrent peu à peu leur passé et ne devinrent que les ombres de ceux qui les avaient précédés, mon peuple appelle cette époque, le temps des ombres.

"Tout commença une dizaine d’année avant ma naissance. L’orgueil emplissait les cœurs wolfens et tous s’étaient réunis pour la célébrer la Grande Lune. A leur habitude, les Anciens avaient gardé et entretenu la cité pendant toute l’année. Ils accueillirent avec joie tous les clans et quand le temps fut venu, ils s’enfermèrent avec les prêtresses dans la Pierre sous la Lune. Tout commençait comme d’habitude, la fête battait déjà son plein, les chefs de meutes s’assuraient que les combats se déroulaient bien dans l’arène. Les Huit Blancs eux-mêmes s’adonnèrent à quelques démonstrations de leurs capacités aux combats. Quelques heures après la tombée de la nuit, la majorité de wolfens s’étaient réunis sur les différentes places du Chant des Frères pour observer le levé de Lune. La première apparition de notre Déesse est un moment à part dans chaque réunion. L’attente était à son comble et las cœurs battaient fort quand les premiers rayons écarlates sont apparus. Le premier instant fut celui de la stupeur, le second, celui d’une explosion de joie rarement égalée dans l’histoire wolfen. La Grande Déesse s’était parée des couleurs de notre création, quel augure aurait pu être meilleur ? En quelques secondes, la ville ne fut plus qu’un flot de corps et de cri. La symbiose de mon peuple fut presque totale. Les 8 derniers descendants du Premier semblaient être les plus atteints par la transe, leurs fourrures avaient la couleur du sang et pendant que les autres chefs de meutes luttaient pour garder le contrôle, les Huit Blancs investirent l’Arène. Durant 7 jours, personne ne réussit à vaincre l’un d’entre eux. Les témoins rapportent qu’hormis leurs capacités martiales déjà hors du commun, les Huit Blancs semblaient plus forts et plus rapides, au point qu’ils remportaient même les affrontements à 3 ou 4 contre un."

"Le 7ième jour, la Pierre sous la Lune ouvrit ses portes et, comme le veux la tradition, les chefs de meutes entrèrent, un par un, par ordre de puissance croissante. Avant de rentrer, Ylliox le Sage regarda une dernière fois derrière lui, la ville semblait paisible, ses 8 fils le suivaient. Quelle fierté de les voir derniers à rentrer. Avec un sourire, il se détourna et s’enfonça dans les ténèbres du temple."

"Lorsqu'Ylliox le Sage entendit les lourdes portes se refermaient derrière lui, il comprit que quelque chose se passait. Ces fils avaient un comportement étrange mais c'était leur droit de pénétrer en derniers dans la Pierre sous la Lune. Il aurait aimer être le dernier et s'assurait tout allait bien dans la ville mais cela faisait plusieurs années que ses fils l'avaient dépassé en puissance. Qu'aurait-il pû faire, utiliser son autorité paternelle pour rentrer en dernier ? Il aurait
ainsi braver des règles séculaires fixées par son propre ancêtre des années auparavant ? Et que pouvait-il faire maintenant ? Une fois les portes fermées, elles devaient le rester jusqu'au matin suivant. Ylliox n'avait, jusqu'alors, jamais remis en question ces traditions. Elles avaient toujours eu une raison d'être, bien que personne, hormis Le Premier, n'ait pu discerner les desseins dans les desseins. Avait-il aussi prévu ceci ? Ylliox le Sage se devait d'avoir la foi en son ancêtre. Peut-être les prêtresses, seules à pouvoir entrevoir les dessein de la grande Déesse, en sauraient d'avantage. Il pénétra plus avant dans l'obscurité.

Le couloir sombre se poursuivait sur plusieurs dizaines de mètres. Les murs de roches massives maintenaient la température constant. La fraicheur du couloir, contrastant avec la lourdeur extérieure, le calma un peu. De grandes colonnes de pierre soutenaient la voûte basse. Les pierres étaient emplies de la mémoire des centaines de générations qui l'avaient précédé. Ces ancêtres avaient fait un travail remarquable, la plupart d'entre elles pesaient plus d'une vingtaine de wolfens.

Le couloir s'agrandissait au fur et à mesure qu'il avançait. Cela n'était pas discernable à l’œil nu et donnait, au visiteur qui arpentait ces murs, l'impression d'être minuscule.

Ylliox le Sage arriva enfin à l'arche brisée qui marquait l'entrée de la salle de la Lune. C'était une salle circulaire d'une cinquantaine de mètres de diamètre. Le plafond en voûte avait en son centre un puits de lumière laissant passer passer une partie de la lumière de la Lune. A son zénith, elle éclairerait le milieu de la pièce où un amphithéâtre circulaire accueillant les prêtresses en pleine prière. Les murs étaient couverts de lourdes tentures représentant les grandes étapes de l'Histoire des wolfens. En réalité, ces tentures cachaient des alcôves où les prêtresses et les anciens pourraient aller manger ou se reposer. Les anciens faisaient office de gardiens de la tradition. Leurs rôles n'étaient réellement importants qu'à partir de l'entrée des chefs de meutes qu'ils conseillaient dans les grandes décisions à prendre.

Durant toute la semaine, les prêtresses s'étaient relayées afin que toujours treize d'entre elles soient en train de prier et que toutes aient prié une fois.

Le coucher du soleil et l'entrée des chefs signifiaient que la grande prière devait commencer. Toutes les prêtresse s'étaient alors réunies pour entamer une prière commune qui durerait jusqu'à l'apparition de la Lune à son zénith. A la
fin de la transe, les prêtresses expliqueraient alors aux chefs et aux anciens les attentes de la Déesse. Ensemble, ils décideraient quelles actions mettre en place pour satisfaire leur mère."

Lorsqu'Ylliox le Sage arriva dans la salle, les prêtresses étaient déjà en place. Quelques anciens surveillaient les prêtresses, les autres se reposaient dans les alcôves. Ylliox se dirigea vers celle réservée au maître de cérémonie.

Kaitone était un être à part. Son extrême longévité donnait à croire que la Déesse elle-même veillait sur lui. Sa fourrure était si parsemée de poils blancs qu'il aurait pû passer pour un Ylliox. Kaitone était l'un des rares anciens mâles à ne pas avoir était un chef de meute mais son incroyable sens des relations sociales lui avait permis de désamorcer nombre de conflits. Aussi, quand il revint vivant de sa confrontation avec les démons, aveugle mais vivant, c'est naturellement qu'il prit une place importante au sein du conseil des anciens. Avec l'âge, il avait gravi les échelons jusqu'à en être le membre principal. On dit que sa cécité lui avait conféré une ouïe si fine que, d'un mot de votre part, il pouvait deviner les sentiments qui vous habitaient.

Lorsqu'Ylliox souleva la tenture, Kaitone semblait regarder dans sa direction. Un sourire découvrit ses canines. "Entre Ylliox, je savais que tu serais le premier à venir me voir. Peux-être pourras-tu me dire pourquoi tes fils ont refermés les portes derrière toi ?"

"Et toi Kaitone, pourras-tu me dire pourquoi notre mère s'est parrée de son voile de sang ?"

Kaitone se tut quelques secondes et poursuivit :
"Bien que les chefs ne soient conviés qu'à la dernière nuit de la réunion, je suppose que tes oreilles ont déjà entendu ce qu'il s'y passe... Très peu de mots sont échangés entre nous et les prêtresses. Elles prient et nous prenons soin d'elles. Si elles veulent parler, nous les écoutons d'une oreille attentive mais jamais nous ne les importunons de nos questions. Cette année, aucune d'entre elles n'a prononcé le moindre mot. Tout ce que je peux dire, c'est que les transes furent plus agitées que d'habitude, nous avons même dû porter certaines d'entre elles jusqu'aux alcôves."

Ylliox repondit : "Sais-tu pourquoi une fois les portes fermées, elles doivent le rester ?"

"Voyons Ylliox, on te dit sage pourtant la réponse à ta question semble évidente ?"

"Le secret... Une partie de notre autorité et de celle des prêtresses vient du mystère. Notre peuple ne sait pas ce qu'il se passe ici. Pour eux, nous avons quelque chose de plus, quelque chose qui se passe ici. Et malgré notre tempérament guerrier, quand il le faut, nous ne formons plus qu'un, uni sous une autorité mystique."

"Exact Ylliox, la nation wolfen est la face visible de la Lune et nous en sommes la bordure, la frontière avec la face cachée. Nous la contenons, nous la protégeons."

"Cette règle n'aurait donc rien à voir avec ce qu'il se passe maintenant ?"

"Qui peut savoir ? Tu connais notre proverbe : Il faut une naissance et une mort pour accomplir une vie mis il faut bien plus que ça pour la comprendre. Prends donc un peu de vin Ylliox, dans quelques heures, nos soeurs sortiront de leur mutisme. Ce sera alors le temps des questions. D'ici là, calme-toi, ton coeur gronde comme un orage lointain et tu m'empêches de dormir."

Le vin était délicieux, les senteurs de bois et de terres sauvages lui rappelèrent ses jeunes années, quand il parcourait seul le monde. Il avait tout rejeté, quitté son clan et surtout refusé ce qu’on attendait de lui. « Tu es un Ylliox, tu n’as pas le choix » lui disait-on mais lui n’aspirait qu’à la liberté, pas aux responsabilités. Puis il avait rencontré une louve, cette louve.
Il sortit de sa torpeur quand Selvendyle vint s’allonger près de lui. Le pelage moite, elle se blottit contre lui. Quelque chose avait dû mal se passait. Les chefs et leur prêtresse entretiennent des rapports de confiance mutuelle, parfois même de franche amitié mais jamais, au grand jamais, de tendresse. Le cas d’Ylliox le sage et de Selvendyle était un peu différent de part leur grande différence d’âge. Ecartant toute ambigüité, leur relation s’était établie sur un rapport père fille mais elle restait cachée.
Kaitone avait quitté l’alcôve, ils étaient tranquilles pour le moment mais quelqu’un pouvait entrer à tout instant. Il détacha l’étoffe enroulée autour de son cou et la posa délicatement près de la truffe de Selvendyle. Son souffle sembla s’apaisait. Il se leva et sortit de l’alcôve.
Les prêtresses les plus fragiles ont généralement besoin de quelques minutes après la transe pour se reposer et mettre au clair leurs idées. Losqu’Ylliox sortit, aucune d’entre elles n’était en vue. « Sont-elles toutes en train de se reposer ? ». Son regard parcourut les visages des autres chefs et des anciens. Leurs traits étaient tirés. Au moment où ils le virent, Kaitone et d’autres s’approchèrent.
« Tu es enfin réveillé, nous t’avons secoué mais tu ne répondais plus. Prends moins mes conseils à la lettre la prochaine fois que je te dis de te calmer. »
« Allons, je n’ai bu qu’une coupe de vin… »
« … et tu as sombré dans une profonde léthargie ! Des cris se sont faits entendre toute la nuit. Raven, qui était près des portes, jure qu’il a entendu gratter et essayer d’ouvrir ! »
« Qu’ont dit les prêtresses ? »
« Elles se sont toutes effondrées après la prière, nous avons dû les porter jusqu’aux alcôves pour qu’elles s’y reposent. »
« Il faut les réveiller, quoiqu’il se passe, nous devons savoir de quoi il retourne ! »
« Tu n’y pense pas, la tradition… »
« Sacrelune, au diable la tradition, nous devons faire vite ! »
Sans plus de discussion, les chefs se dirigèrent vers les alcôves. Ils réveillèrent les prêtresses et les guidèrent vers le centre de la pièce. Elles semblaient exténuées et aucunes ne paraissent en état de parler. Selvendyle prit les choses en main, un conciliabule s’établit rapidement, puis elle vint voir les chefs. Ses traits semblaient encore plus tirés que quelques minutes auparavant.
« La Déesse nous a dit à toutes la même chose : C’est la fin d’un cycle : A vous d’affronter votre face sombre, à vous de mourir et peut-être, à vous de renaître ».
Les yeux des chefs s’assombrirent mais déjà Ylliox courait vers les portes. Ce maudit couloir lui semblait interminable. Quand il eut atteint les massifs battants, il les poussa violemment. Elles s’ouvri0rent avec une lenteur infinie. Une odeur de mort assaillit ses narines…