Kalek,un passé trouble,un devenir plus encore

Kaleck


J'étais sur Harov, une île d'une longueur d'une heure de marche heure et d'à peine la moitié en largeur. Sous le joug de Karl le blême depuis déjà trois saison ; une situation assez détestable pour me donner le désir d'en changer, mais pas assez pour me détruire. Mon labeur est proche de celui des femmes, je vide le poisson, je m'occupe du village, des bêtes, du bois flotté. Mais ma force et ma stature ne sont pas celles des femmes, les maîtres m'embarquent donc souvent dans leur navires pour la pêche : tirer les filets, lever la voile ; depuis peu ils me laissent naviguer régulièrement.

Alors ils me traitent presque comme un des leur lorsque nous passons la nuit dans une taverne, seulement lorsque la nuit s'annonce, je trouve un coin pour dormir là où eux prennent une chambre. Ils jouent souvent de l'argent dans des combat d'esclaves jamais mortels, mais celui qui abandonne trop tôt se fera rosser par son maître pour ne pas s'être fait rossé d'avantage dans la lute. Je gagne plus souvent que je perds même si je me souviens plus souvent de mes défaites.

Harov n'a qu'un village, qu'un port, le reste de l'île est dangereux pour la navigation ; le village compte trente hommes et presque cent âmes. Toutes les lunes rondes les hommes se réunissent en haut du point culminant et y dressent un grand feu. D'ici ils peuvent voir les ancêtres dans la mer, si un jeune est prêt pour devenir adulte, ou qu'un esclave est affranchi, il doit trouver ses ancêtres propres parmi toutes les formes qui dansent dans les vagues. Le sorcier lui donne l'herbe des morts avant qu'il ne le cherche, et aille le rencontrer. L'initié descend alors la montagne et rejoint les flots pour passer du côté des morts et recouvrir sa virilité perdu dans la naissance et le bas âge, en s'amourachant de sa mère. Je ne suis pas un enfant qui devient un homme, mais ils me disent que je retrouverai aussi ma virilité, même si je l'ai presque entièrement, il m'en manquerait.

Ajagh, le sorcier du village chante un chant antique depuis plus de deux heures, ce chant fait corps avec notre groupe, si bien que chacun agit sous son rythme, son envoûtement. Le vieux chaman m'apporte l'herbe des morts dans un vase percé, je dois inhaler la fumée par dix inspiration profondes. On m'a raconté que je l'ai fait, comme il se devait, puisque j'ai regardé autour de moi avant de courir vers la mer. Nombreux sont ceux qui ne revinrent jamais des morts mais je ne fus pas des leur ; à mon réveil une phrase était ancrée dans mon esprit comme l'épave du grand vaisseau de la flotte d'Archaon, qui sèche au nord de l'île. Cette phrase était un oracle obscure, et assez effrayant :

« Le sorcier sera guidé par l'affranchi, et sur les terres de sang et de mort, par le corps et par l'âme de l'ancien serf ; le passé, l'avenir, le présent, l'éternité et l’instant seront liés au corps du corbeau, chassant l'imposteur ! Une dette sera acquitté, et le sorcier recouvrira son âme.»